Les dynamiques d’écologisation de la planification territoriale et ses dispositifs

Théo Juppin
theo.juppin@univ-rouen.fr
Diplômé d’un master en économie à l’Université de Lille (Master EMP), j’ai réalisé, à la fin de ma deuxième année de master, un stage au sein d’un projet recherche portant sur l’élaboration d’un indicateur de qualité écologique des territoires (EMISET). Mon travail consistait en partie l’identification de seuils, assimilables à des limites planétaires territorialisées, que pouvaient se fixer les politiques publiques territoriales en matière environnementale. Ce stage a donné lieu à un mémoire de recherche interrogeant l’écologisation de la planification territoriale. Par la suite, j’ai commencé, en décembre 2024, une thèse de doctorat financée par la Chaire Économie de la Qualité et ses Mesures (EQAM). Dans cette thèse, j’interroge la planification territoriale, ses dispositifs (SRADDET, COP régionale, SCoT, PCAET), les rapports de pouvoir État-territoires au sein de ces derniers, ainsi que leur processus d’écologisation. Il s’agit plus largement d’analyser les conditions socio-économiques du déploiement d’une planification écologique territoriale. Je participe également à différents projets de recherche portant sur l’élaboration d’indicateurs rendant compte de la qualité écologique des territoires (projet EMISET dans les Hauts-de-France ; projet EMIQATEN sur la Métropole de Rouen-Normandie)

Directeur(s) de thèse

Florence Jany-Catrice
Nicolas Postel

Mots clés du projets

Planification écologique territoriale ; Mésoéconomie ; Instrument de l’action publique.

Synthèse du projet de recherche

Un certain nombre d’auteurs en vue d’organiser la bifurcation en appellent à un  « grand retour de la planification » (Sapir, 2022), plus précisément, à la « planification écologique » (Durand & Keucheyan, 2024). Rapidement, les réflexions sur la planification écologique conduisent à des interrogations sur sa dimension territoriale (Brennetot, 2016, 2025; Buclet, 2021; Meppem & Gill, 1998; Offner, 2023; Theys, 2002). Dans la pratique, on observe une planification territoriale caractérisée par le déploiement de nombreux dispositifs. Cette dernière, historiquement axée sur les questions d’aménagement du territoire et reposant en partie sur une certaine logique productiviste (Lortie, 2023) semble se transformer allant vers une intégration de l’écologie. Cette évolution souligne la nécessité d’examiner comment les dispositifs de la planification territoriale intègrent les dimensions de l’écologie. Plus spécifiquement on s’interroge de la manière suivante : Existe-t-il un processus d’écologisation de la planification et de ses dispositifs et quelles formes prend-t-il ?

Ainsi cette recherche est structurée en plusieurs temps. Puisqu’il s’agit d’une recherche appliquée, l’ensemble de ce travail s’applique sur plusieurs échelles (1) : régionale et intercommunale avec différents dispositifs dont nous parlons au point suivant et également au sein de deux régions françaises : la Normandie et les Hauts-de-France. L’accès à ces deux terrains permet également de mettre en œuvre une réelle analyse comparative. Ensuite (2), il s’agit d’une analyse positive et non normative de dispositifs de la planification territoriale. Il s’agit donc d’une entrée par les dispositifs de PT (Lascoumes & Le Galès, 2005). Notre analyse est portée sur les dispositifs suivants : le SRADDET, le PCAET, le SCoT. Outre ces dispositifs traditionnels, on souhaite explorer les COP régionales porté par le SGPE, qui selon nos travaux préliminaires relèvent d’une autre logique (Juppin, 2024). Enfin (3), on souhaite réaliser une analyse historique de l’évolution de la notion de planification en France pour comprendre le passage du Plan aux plans.

Cette recherche s’inscrit dans un cadre théorique principale celui de l’économie institutionnaliste. Plus précisément, il est prévu de mobiliser l’économie des conventions (Boltanski & Thévenot, 2022) parce ce qu’il s’agit d’étudier les règles, normes et conventions qui fondent la planification. Nous nous appuyons sur les travaux issus de la sociologie de l’action publique (Evrard & Lascoumes, 2024; Lascoumes et al., 2012) afin de discuter la notion d’instrument et de dispositifs. Enfin, nous mobilisons l’économie de proximité (Pecqueur & Zimmermann, 2004) car elle insiste sur le rôle central des institutions et l’usage de la notion de proximité permet d’appuyer le fait que le territoire n’est pas qu’une dimension spatiale.

La méthodologie utilisée est un mixte qualitatif/quantitatif. Pour le volet qualitatif, il est prévu de mener une double enquête par entretiens semi-directifs avec les acteurs de la planification territoriale sur les zones d’études : étude des processus d’élaboration des dispositifs, de leur mise en œuvre, de leurs limites, des jeux d’acteurs et de la donnée mobilisée. Une première enquête exploratoire par entretiens semi-directifs est en train d’être mené avec des acteurs de la PT (N=13). Pour le volet quantitatif, on prévoit de réaliser une analyse lexicographique des dispositifs (Buhler et al., 2018) pour étudier les discours, les cooccurrences, explorer les évolutions du langage et les structures du savoir.

Références 

Boltanski, L., & Thévenot, L. (2022). De la justification: Les économies de la grandeur ([Nouvelle éd. avec une] préface inédite des auteurs). Gallimard.

Brennetot, A. (2016). IV. Quel régionalisme derrière la nouvelle carte régionale ? In La région, de l’identité à la citoyenneté (p. 53‑67). Hermann. https://doi.org/10.3917/herm.fremo.2016.01.0053

Brennetot, A. (2025, mars 6). Le territoire français et la crise du «néolibéralisme apprivoisé». Visionscarto. https://www.visionscarto.net/le-territoire-francais-et-la-crise

Buclet, N. (2021). Territorial ecology and socio-ecological transition. ISTE, Ltd. https://doi.org/10.1002/9781119821373

Buhler, T., Bendinelli, M., Lethier, V., & He, Y. (2018). La textométrie pour révéler évolutions et oppositions dans les discours des politiques urbaines. Le cas des PDU français (2000-2015): Flux, N° 113(3), 93‑110. https://doi.org/10.3917/flux1.113.0093

Durand, C., & Keucheyan, R. (2024). Comment bifurquer: Les principes de la planification écologique. Zones.

Evrard, A., & Lascoumes, P. (2024). Action publique et environnement (4e éd. mise à jour). Que sais-je ?

Juppin, T. (2024). Vers un mouvement d’écologisation de la planification territoriale? (Mémoire de fin d’études, Université de Lille)

Lascoumes, P., Le Galès, P., & Singly, F. de. (2012). Sociologie de l’action publique (2e éd). A. Colin.

Lortie, A. (2023). De quoi l’urbanisme est-il le projet? Interrogations historiques et prospectives pour une évaluation des paradigmes de lurbanisme. Éditions de l’Aube.

Meppem, T., & Gill, R. (1998). Planning for sustainability as a learning concept. Ecological Economics, 26(2), Article 2. https://doi.org/10.1016/S0921-8009(97)00117-1

Offner, J.-M. (2023, septembre 25). La standardisation des politiques publiques locales: Une renationalisation tacite. La Grande Conversation. https://www.lagrandeconversation.com/ecologie/la-standardisation-des-politiques-publiques-locales/

Pecqueur, B., & Zimmermann, J.-B. (2004). Économie de proximités. Hermès science publications.

Sapir, J. (2022). Le grand retour de la planification? Jean-Cyrille Godefroy.

Theys, J. (2002). L’approche territoriale du  » développement durable « , condition d’une prise en compte de sa dimension sociale. Développement durable et territoires. Économie, géographie, politique, droit, sociologie, Dossier 1, Article Dossier 1. https://doi.org/10.4000/developpementdurable.1475